Mino (WINNER) se confie dans une interview très intéressante à Arena
- Dose asiatique
- 29 août 2016
- 9 min de lecture

D'habitude je ne traduis pas les interviews, parce que le plus souvent ce sont des ramassis de lieux communs et de choses convenues à la "nous travaillerons encore plus dur, anticipez nos prochaines sorties" & co. Mais cette fois-ci, je déroge à la règle avec cette interview de Mino, où il aborde des thèmes assez intéressants sur sa carrière musicale, la hip hop, et le tout avec assez de maturité et de recul pour que ce soit réellement intéressant. J'ai mis en gras les parties qui me semblaient les plus dignes d'intérêt ; à méditer.

Nous avons vu de nombreuses units se former au sein de mêmes groupes. Cependant nous n'avions jamais pensé voir un jour une unit iKON/WINNER. Comment est-ce arrivé ?
Parmi les membres d'iKON, BI et BOBBY sont les rappeurs. Chez WINNER, les membres qui aiment le hiphop sont Seunghoon hyung et moi-même. Depuis que nous étions trainees, BOBBY et moi avions des goûts similaires en matière de musique. Ce n'était cependant pas notre intention de travailler ensemble ; c'était l'idée de YG, qui pensait qu'il pouvait y avoir une synergie en nous unissant. Puisque cette opportunité nous a été donnée, nous prenons beaucoup de plaisir à travailler ensemble.
Dans les medias, BOBBY apparait comme une personne spontanée, tandis que MINO semble être plus réfléchi. Bien que vos goûts soient similaires, vos personnalités semblent très différentes. Comment parvenez-vous à travaillez ensemble ?
Les membres de WINNER partagent des goûts musicaux communs tout en ayant leurs propres préférences, mais sous le nom de WINNER, nous créons harmonieusement de la musique. De la même manière, même si BOBBY et moi avons des goûts similaires, si l'on va un peu plus loin, les objectifs que l'on cherche à atteindre et les choses que l'on veut ne peuvent que différer. Mais je ne pense pas qu'il faille "accorder" ce genre de choses. Nous respectons nos inclinaisons et caractères personnels. De ce fait, en créant une chanson, nous essayons d'abord de planter le décor, et à partir de là, nous y incorporons nos propres préférences. Puisque BOBBY et moi nous respectons, nous acceptons la moindre remarque l'un de l'autre.
Lorsque vous vous faites des remarques, y a-t-il eu des moments où l'un d'entre vous s'est senti froissé ?
Est-il besoin de dire les choses de manière à offenser ? On peut dire les choses gentiment. Même s'il y a une chose que tu n'aimes pas, puisque tu ne dis pas frontalement "ça pue", il n'y a pas de dispute. Haha.
Puisque nous n'avons jamais entendu de chanson de vous deux, nous sommes vraiment curieux du résultat. Si vous aviez à décrire les chansons..?
BOBBY et moi-même voyageons beaucoup et travaillons constamment. À part cela, nous nous confinons dans les salles de travail. Puisqu'il s'agit d'une opportunité peu commune, nous donnons notre meilleur. Nous avons donc créé un nombre exorbitant de chansons, bien que nous ne sachions pas combien vont être choisies. Nous préparons une grande diversité de chansons ; de celles qui peuvent plaire à ceux qui n'aiment pas particulièrement la hiphop à celles qui peuvent attirer l'attention de la fanbase hiphop.
En fait, nous étions curieux de savoir quel auditoire vous aviez en tête en créant ces chansons. Plutôt les femmes qui sont fans de BOBBY et SONG MINO ou les férus de hiphop ?
Nous créons une grande variété de chansons, mais je ne sais pas vraiment lesquelles vont être inclues dans l'album. En réalité je suis moi-même curieux vis-à-vis de cet aspect. Haha.
Dernièrement la Corée du Sud est tombée amoureuse de la hiphop. On est à un temps où même les grands-mères essaient de rapper. Par les temps qui courent, en tant que rappeur, que musicien qui crée de la musique hiphop, à quels aspects accordez-vous de l'attention ?
Je me demande s'il y a eu un temps où la Corée a accordé autant d'attention à la hiphop qu'en ce moment. Il semble que les oreilles sont plus sensibles à cette musique, et les horizons se sont ouverts. Honnêtement, je pense que l'émission "Show Me The Money" a eu un grand impact sur le marché. Mais malgré tout, ça reste une émissions télé, c'est du divertissement. Donc on n'a pas d'autre choix que de rivaliser les uns avec les autres et d'éditer l'émission de manière provocative. La hiphop que les gens aiment a peut-être émergé de cette émission, c'est pour ça que je me demande s'il n'y a pas une tendance à considérer la hiphop comme du divertissement plutôt que comme de la musique. Les gens dont le premier contact avec la hiphop s'est fait avec SMTM pensent peut-être que c'est tout ce qu'il y a à savoir sur ce genre. J'ai participé à cette émission, mais je pense qu'ils doivent se rendre compte de la diversité de la hiphop en tant que genre musical.
De toutes les chansons que vous avez sorties, laquelle a représenté un tournant ?
N'est-ce pas évident qu'il s'agit de "Fear" ? Haha. Quand j'étais dans la quatrième saison de SMTM, ma façon de voir les choses a changé, et j'ai beaucoup appris. Le programme doit finir avec un vainqueur, mais en préparant cette chanson, je voulais me dévoiler en tant que musicien, indépendamment du résultat. C'était la première fois que j'avais ce genre de pensées. Pour les performances précédentes, je m'étais concentré sur la compétition, mais pour "Fear", j'ai dépassé cela, et j'ai voulu montrer qui est réellement Song Mino. Pour être honnête, il m'a fallu beaucoup de courage.
Pendant ces temps où vous avez mis toute votre passion à essayer de devenir un rappeur, y a-t-il eu des paroles d'un autre rappeur qui vous ont touché ?
Ce n'est pas mon motto dans la vie, mais il y a une chanson appelée "Moment of Truth" de sean2slow, dont les paroles "always your passion, soon your decision" ont eu un grand impact sur moi. N'importe qui aimant la hiphop reconnaîtra probablement cette rime.
La rime est cool, mais on peut surtout ressentir la sincérité dans les paroles. Il semble que raconter sa propre histoire est dans l'essence-même du rappeur. Quand on regarde le film "Straight Outta Compton", les rappeurs vivaient à un temps où ils n'avaient d'autre choix que de s'emparer du micro pour exprimer quelque chose, raconter une histoire. Le SONG MINO de 24 ans qui vit en 2016, qu'a-t-il à dire ?
Mon état d'esprit se reflète beaucoup dans mes écrits. Quand j'ai commencé la hiphop et le rap, c'était naturellement parce que j'aimais ça. Donc il y a eu des moments où j'ai exprimé cette passion dans mes paroles. Quand je suis très occupé et que je travaille beaucoup, je pense à me reposer. Puis j'en viens à me demander vers quel objectif je cours si vite, et j'écris des paroles qui expriment cette sensation. Avez-vous déjà pensé à aborder des problèmes sociaux sur un ton plus léger ?
Puisqu'il faut être au courant de ce qui se passe dans le monde, j'y accorde de l'intérêt. Il y a des fois où j'ai envie de m'essayer à la satire, mais il y a toujours quelque chose qui m'inquiète. Je suis prudent par rapport à cela car il ne s'agit pas de ma propre histoire, donc si j'écris sur des choses qui se sont réellement passées, les gens qui ont fait l'expérience de ces choses peuvent penser différemment.
Auparavant, quand on parlait de hiphop coréen, il s'agissait forcément d'un rap sur une chanson centrée sur la mélodie au milieu, et se terminant sur un rap à nouveau. Mais il semble que maintenant, les goûts ont changé, et les modes sont passées. Quelle est la formule du succès en hiphop ces jours-ci ? Qu'il s'agisse du thème ou du refrain, il doit y avoir un élément qui accroche l'oreille. Ça peut être enfantin, ou une répétition qui n'a aucun sens, mais je pense que cela dépasse la hiphop et que c'est une mode dans la musique pop en général.
Dans ce cas, est-ce que ça devient trop léger, sans aucun message ?
C'est vrai. Il n'est pas facile de mettre cette légèreté en musique. Mais c'est une mode qui ne s'est pas uniquement enracinée en Corée du Sud, mais partout à travers le monde sur la scène hiphop. J'ai remarqué que de nombreux rappeurs très talentueux, créent à un certain degré des rimes stupides et idiotes.
Si c'est le cas, il semble que tu ne puisses pas décider pour toi-même, te dire "je suis quelqu'un qui fait ce genre de musique", ou "mon style est comme ça".
Puisque je suis un chanteur et un idol, je me présente devant beaucoup de gens. Il y a des fans coréens et étrangers, aux âges divers, et je dois créer de la musique pour eux tous. C'est pour cela que je suis ouvert à toutes les possibilités. Si je voulais m'emmurer opiniâtrement à faire uniquement la musique que j'aime, je n'aurais pas intégré une agence telle que YG. Je veux dresser un tableau plus grand encore. Je pense que toutes ces étapes font partie du processus de mon développement en tant qu'artiste qui fait de la pop en devenir.
Oh, donc il semble qu'il y ait un "plus grand tableau" que MINO est en train de peindre.
Il y aura un moment où je récolterai ce que j'aurai semé, donc je me concentre uniquement sur mon travail. En temps normal, je profite de mes hobbys pendant mon temps libre, mais là je me consacre exclusivement à mon travail. Est-ce parce que tu veux davantage de reconnaissance ?
Il y a de ça, bien sûr. Honnêtement, ce qui a été montré à travers mes performances ou mes apparences ne représente qu'une petite partie de moi. Je veux en montrer davantage, être plus reconnu. Puisque YG est une grande agence, il y a beaucoup d'artistes, et il y a un ordre. C'est pour ça que lorsqu'une opportunité comme celle-ci se présente, je veux monter au maximum mon potentiel.
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Une interview empreinte de spontanéité et de sincérité, qui nous permet de voir quel regard pose quelqu'un comme MINO (qui a un peu le cul entre deux chaises face à sa carrière de rappeur et celle d'idol qui peuvent paraître incompatibles) sur l'industrie de l'entertainment coréenne.
Je voudrais revenir sur quelques points de l'interview qui ont retenu mon attention...
Tout d'abord, l'illusion de la créativité et de la liberté chez les idols.
On en est à un stade en kpop où écrire ses paroles, composer ses propres chansons est devenu un argument de vente comme un autre : les fans sont friands de cette prétendue créativité, et n'hésitent par à brandir cet élément pour prouver à quel point Oppa est putain de talentueux -donc les agences s'en servent à leur profit.
Seulement, il est opportun de souligner que c'est assez souvent illusoire, comme on peut le voir dans cette interview. Même chez YG, El Dorado autoproclamé de la liberté artistique, les idols ne sont pas aussi libres qu'il y parait. Certes, on compose ce qu'on veut quand on veut, mais ce n'est pas pour autant que les chansons vont être inclues dans l'album en définitive. Et c'est une chose qu'on a pu constater même avec les membres de BIGBANG, qui disposent incontestablement de la plus grande marge de manoeuvre pour des idols (Taeyang s'étant exprimé sur le sujet concernant sa carrière solo). Les idols doivent encore batailler pour faire la musique qui leur plait, et ils restent avant tout des outils marketing malléables entre les mains de leurs agences.
Ce qui nous amène à notre deuxième point : les modes qu'impose le goût du public.
Mino est très juste lorsqu'il évoque l'impact de SMTM : sans cette émission, il n'y aurait pas eu l'engouement que suscite actuellement la hiphop. Mais là où Mino est encore plus clairvoyant, c'est lorsqu'il constate que les gens assimilent à tort la hiphop à du pur divertissement.
Alors oui, il est révolu le temps où les rappeurs se battaient pour leurs vies, et les histoires à la 2pac/Biggie ne sont pas près de se reproduire. Néanmoins, la hiphop trouve son essence dans la dénonciation, et est un moyen d'expression non conventionnel pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'être entendus.
Et des émissions comme SMTM n'ont que le tort de prétendre illustrer ce qu'est la hiphop, dans sa globalité ; et il n'est nullement surprenant que par la suite les gens assimilent rap à diss : ils sont là pour être divertis -et les émissions telles Unpretty Rapstar éditées de la manière la plus "entertaining" possible qui ont pullulé par la suite l'ont bien compris. D'où la flopée de diss, de rappeurs (talentueux ou pas !) produisant des morceaux véhiculant encore et toujours l'éternel message du "je suis le meilleur"...
Enfin, cela nous amène à notre troisième et dernier point : l'évanouissement des frontières entre pop et hiphop.
La kpop a incorporé la hiphop et en a fait sa propre sauce ; mais de ce fait, on passe d'une musique dont l'essence était d'aborder l'actualité, de dépeindre et d'accuser les problèmes sociaux à des musiques dont l'unique but est de divertir. Et de là, on comprend l'appréhension de Mino lorsque le journaliste lui demande s'il veut aborder des problèmes sociaux dans ses chansons : il sait bien qu'en tant qu'idol, il ne peut pas se le permettre, puisqu'il y perdrait forcément quelque par là où il est, en tant qu'idol encore, conçu et commercialisé pour plaire à l'audience la plus grande.
Que pensez-vous de cette interview ? Êtes-vous d'accord avec les constats que fait Mino ?
Croyez-vous encore à l'illusion de la créativité chez les idols ; est-ce un argument qui a de l'importance pour vous et qui peut vous faire aimer un groupe ?
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